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N° 42 : Matières à penser 19.12.2007

 

Matières à penser. Chers amis, nous avons tous en tête le nom d’hommes d’entreprise, de politiques, d’intellectuels ou de soldats, dont la vie, fondée sur les valeurs de ce monde, suscite en nous une réelle admiration comme l’envie de les imiter. Les exigences de réussite dans la vie profane nous sont un bienfait . Elles nous offrent l’occasion de développer de fortes vertus de perspicacité, d’autorité, de courage, de sens des autres, etc. Oui, le monde est porteur de perfections humaines ; oui, la poursuite de l’argent, du succès, du pouvoir et du savoir, forge des caractères dignes de respect. Nos écoles supérieures se donnent la mission d’inculquer cette éthique profane à leurs lauréats, tout en leur dispensant une compétence technique, car c’est elle que nous exigeons de l’élite des corps sociaux.

 


      Or le propre d’une vertu exercée à un niveau d’excellence, c’est qu’elle nous rend heureux, épanoui et comblé. Nombre de grands leaders de notre temps sont des personnes de valeur, qui reçoivent légitimement de leur action, toute l’estime de soi à laquelle ils aspirent. La perspective d’un autre monde, d’une autre façon de vivre, d’autres priorités, leur semble non seulement utopique, mais encore dangereuse et condamnable. Ils n’éprouvent aucun besoin de puiser à d’autres sources, et s’en méfient grandement.
      C’est du moins ce qui apparaît. Dans la Samaritaine, à qui Jésus demande à boire, Thomas d’Aquin voit l’incarnation de cette sagesse naturelle. L’eau qu’elle remonte du fond obscur du puits, symbolise sa philosophie terrestre, faite de réalisme enraciné. Ses cinq maris, plus le sixième, sont la somme de toutes les intuitions et calculs, de tous les combats et de toutes les leçons d’expérience, que cette femme a puisée profond pour gouverner sa vie. Aussi reproche-t-elle à Jésus : « Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où l'as-tu donc, l'eau vive ? Es-tu plus grand, toi, que notre père Jacob ? », car pour elle, l’existence est faite de certitudes imprescriptibles : qui n’a pas fait l’effort d’acquérir les moyens de puiser, ne mérite pas de boire. Elle ne comprend pas les paroles du Christ et demeure sceptique, puisque sa situation actuelle lui donne satisfaction et la rend incapable d’envisager qu’il puisse en aller autrement de la condition humaine. Pareille attitude est fréquente de la part de hauts responsables temporels, débattant de sujets spirituels. Sans nécessairement railler, ils ne comprennent ni n’approuvent. Leur rejet est généralement sans appel. C’est alors une angoissante remise en cause, pour nous, croyants convaincus, de nous montrer incapables de toucher ce genre de personnages que pourtant nous admirons.

 


      Le Christ demande : « va ! appelle ton mari », c’est-à-dire “viens prendre le temps de réfléchir avec moi en vérité, et cesse d’agir par impulsions”, car l’homme est traditionnellement l’image de la raison, tandis que la femme est celle du cœur. Thomas d’Aquin admire l’habileté de la réponse : « je n’ai pas de mari ! » La Samaritaine ne ment pas ! et pourtant elle insinue tout autre chose que la vérité, car elle continue de tester son interlocuteur et persiste à taire ses échecs et ses faiblesses. C’est alors que le bouleversement s’opère : « tu as bien dit : “Je n’ai pas de mari”, car tu en as eu cinq … », qui sont autant d’arrangements pour tirer avantage des occasions, « … et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari … », c’est un esprit faussé, qui cherche à se justifier davantage par des sophismes qu’avec de véritables arguments, « … en cela, tu as dit vrai ». Le Christ a posé le doigt sur son mal secret. La Samaritaine, mise en face de la vérité essentielle, juge en un éclair le fil tortueux de sa vie, et rend les armes devant celui qu’elle regarde tout à coup comme le seul être capable de la sauver de sa situation : « Seigneur, je vois que tu es un prophète ». Bien plus, elle se fait elle-même annonciatrice de son retournement : « Venez et voyez un homme qui m’a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-Il pas le Christ ? »

 


      Heureux, l'homme d’affaire ou le grand capitaine qui, attablé avec un serviteur de Dieu, s’entend soudain dénoncer intimement “tout ce qu’il a fait”, tous ses stratagèmes et toutes ses compromissions secrètes, qu’il est seul à connaître et qu’il protège derrière sa façade impeccable, sans jamais mentir. Le plus souvent, l’auteur de cette révolution est entièrement ignorant de ce qui se joue devant ses yeux. Il n’imagine pas un instant qu’en prenant le temps de discuter gratuitement des vérités supérieures qui ont fondé sa vie, il opère au tréfonds un ébranlement définitif chez celui qui, peu de temps auparavant, le déconsidérait et l’éprouvait pour le faire chuter. L’eau souterraine fait place à l’eau vive, que verse sans le savoir le prophète de Dieu. L’homme du monde abandonne au pied de la margelle, la cruche emplie de la totalité de ses préoccupations temporelles, et se fait le héraut de la réussite céleste. Ses valeurs profanes ne sont pas abolies, mais converties et confirmées.

 


      “Appeler son mari”, et “s’entendre dire tout ce que l’on a fait”, autrement dit, se donner le temps de réfléchir sereinement en vérité, et prendre conscience des désordres secrets ou refoulés auxquels conduit le souci exclusif du monde, c’est exactement l’objectif poursuivi par la nouvelle collection philosophique « Matières à penser », aux éditions EDIFA-MAME. Dirigée par Michel Boyancé, doyen des Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie (dite IPC), à destination des responsables de notre société engagés dans l’action et le combat, elle veut philosopher gratuitement avec les esprits non philosophes, en parlant, dans leur langage, de leurs préoccupations. Le design des jaquettes, la qualité du papier, l’impression bicolore départageant les développements, des encarts consacrés aux définitions essentielles, le bref résumé en clôture de chaque chapitre, confèrent à chaque ouvrage une allure à la fois dynamique et riche, à mille lieues de l’austérité que l’on craindrait spontanément pour de tels sujets. Puisse cette collection retourner les vertus temporelles de ses lecteurs vers leur véritable destinée, grâce à la simple méditation de la vérité ! Elle aura accompli sa mission. Trois volumes sont déjà parus, à l’attention des scientifiques, des politiques et des hommes et femmes de notre temps, que vous pouvez découvrir en cliquant sur leur titre : “La science a-t-elle réponse à tout ?”, “Individus et communautés, une crise sans issue ?”, “Masculin féminin, quel avenir ?”.
 

 
 
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